PRINCIPES DE LA SCIENCE SOCIALE
PAR M. H.-C. CAREY (De Philadelphie)
TRADUITS EN FRANÇAIS PAR MM. SAINT-GERMAIN-LEDUC ET AUG. PLANCHE
1861
CHAPITRE XIX :
CONTINUATION DU MÊME SUJET.
§ 2. — Dans les pays en progrès, la taxe du transport diminue. Dans les pays en décadence, elle augmente aussi invariablement.
Dans le premier cas que nous avons retracé, la taxe résultant du transport diminue constamment, en même temps qu'il y a augmentation constante dans l'utilité des produits grossiers de la terre, et diminution également constante dans la valeur des denrées nécessaires pour les besoins de l'homme. Dans le dernier cas, cette taxe augmente aussi régulièrement, en même temps qu'il y a diminution constante de la matière première, et augmentation dans la valeur des subsistances, des moyens de se vêtir et autres produits nécessaires à la vie.
Dans le premier cas, la terre est de plus en plus divisée, et, en même temps, il y a tendance croissante à sa culture par l'individu qui la possède et à la création de centres locaux, création qui facilite l'association des individus avec leurs semblables et augmente la demande de leurs diverses facultés. Dans le dernier cas, la terre s'immobilise de plus en plus, en même temps qu'il y a tendance croissante à ce que le travail de la culture s'accomplisse à l'aide d'ouvriers salariés ; tendance à la création d'un corps de propriétaires qui ne résident pas (absentees), à la disparition des centres locaux et à l'établissement d'un centre unique d'action ; ce qui diminue ainsi les facilités de l'association et diminue la demande de l'application de la puissance intellectuelle.
Dans le premier cas, les prix, ou les valeurs en numéraire des produits grossiers de la terre et ceux des produits achevés, tendent constamment à s'équilibrer de plus en plus, en même temps qu'il y a constante augmentation dans la puissance productive du travail et dans la part proportionnelle du travailleur sur l'augmentation du produit, et diminution constante dans la part restante pour les individus qui se placent entre ceux qui produisent et ceux qui ont besoin de consommer. Dans le dernier, ces prix tendent à s'éloigner l'un de l'autre, en même temps qu'il y a diminution, et dans la puissance productive, et dans la part du travailleur sur 4e produit diminué.
Dans le premier cas, le travail actuel obtient un accroissement constant de pouvoir sur les accumulations du passé. Dans le dernier, les accumulations du passé obtiennent un pouvoir plus grand sur le travail actuel.
Dans le premier cas, les forces de la nature se concentrent dans l'homme, dont la valeur augmente d'année en année, et qui, de jour en jour, devient plus libre. Dans le dernier, la nature acquiert du pouvoir sur l'homme, dont la valeur diminue chaque jour à mesure qu'il devient de plus en plus asservi.
Dans le premier cas, la circulation est rapide, en même temps qu'il y a tendance constante à ce que la société revête la forme où la force et la beauté se combinent le plus parfaitement, celle d'un cône ou d'une pyramide. Dans le dernier, la circulation devient de jour en jour plus languissante, et la société tend à revêtir la forme la moins compatible avec la force et la beauté, celle d'une pyramide renversée.