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1 novembre 2004 1 01 /11 /novembre /2004 10:58

PRINCIPES DE LA SCIENCE SOCIALE
PAR M. H.-C. CAREY (De Philadelphie)

 

henry_charles_carey.jpg


TRADUITS EN FRANÇAIS PAR MM. SAINT-GERMAIN-LEDUC ET AUG. PLANCHE

  1861

 

 

 

 

 

CHAPITRE Ier :

DE LA SCIENCE ET DES MÉTHODES DE LA SCIENCE.

 

 

    § 6. — Toutes les sciences et toutes leurs méthodes se trouvent comprises dans la Sociologie. L'analyse conduit à la synthèse. La science est une et indivisible. Les relations économiques des hommes exigent des formules mathématiques pour les convertir en vérités systématiques. Les lois de la société ne sont pas établies d'une manière fixe. Les termes employés par les théoriciens ne sont pas suffisamment définis et sont équivoques.


   
    Avec le progrès des connaissances, nous arrivons à passer graduellement du composé au simple, de ce qui est abstrait et épineux, à ce qui est clair et ce qui s’apprend facilement. Grâce à Descartes, nous sommes assurés que « toutes les idées simples sont vraies » et nous pouvons retrouver partout l’évidence de ce fait dans la magnifique simplicité et l’étendue merveilleuse des propositions de la science, propositions qui sont elles-mêmes le résultat d’une longue induction, conduisant à la connaissance de grandes vérités ; lesquelles ne sont pas perceptibles tout d’abord, mais qui, une fois proclamées, sont assez concluantes pour clore presque immédiatement et à jamais toute discussion à leur égard. La chute d’une pomme conduisit Newton à la loi de la gravitation, et c’est à la découverte de cette loi que nous devons l’étonnante perfection de l’astronomie moderne. L’identité bien établie de la foudre et de l’électricité a servi de base à la science, grâce au secours de laquelle nous avons pu disposer en maîtres des services d’une grande puissance naturelle, qui a remplacé tous les moyens imaginés par l’homme. Kepler, Galilée, Newton, Franklin, eussent échoué dans tous leurs efforts pour étendre le domaine de la science, s’ils avaient suivi la méthode adoptée par M. Comte, « dans sa tentative pour établir un système de science sociale. »

    La méthode dont nous parlons remplace-t-elle entièrement la méthode à priori ? Parce que nous procédons d’après l’analyse, nous interdisons-nous nécessairement la synthèse ? En aucune façon. L’une est la préparation indispensable de l’autre. C’est par l’observation attentive de faits particuliers que M. Le Verrier fut conduit à cette grande généralisation scientifique : qu’une planète nouvelle et non observée jusqu’alors devait exister, dans une certaine région des cieux ; et cette planète y fut presque aussitôt découverte. C’est par suite de l’analyse attentive des diverses terres que Davy put annoncer ce fait si important, que toutes les terres ont une base métallique ; et c’est là un des plus grands exemples de généralisation que l’on puisse citer, l’un de ceux dont la vérité se confirme plus solidement de jour en jour. Goëthe a parfaitement défini les deux méthodes, lorsqu’il a dit « que la synthèse et l’analyse étaient la systole et la diastole de la pensée humaine et qu’elles étaient pour lui, comme une seconde manière de respirer, jamais isolée, soumise à un mouvement continuel de pulsation. Le vice de la méthode à priori, dit l’auteur auquel nous empruntons ce passage, lorsqu’elle s’écarte du droit chemin, ne consiste pas en ce qu’elle devance les faits et anticipe sur les conclusions tardives de l’expérience, mais en ce qu’elle se déclare satisfaite de ses propres sentences, ou ne recherche qu’une confrontation partielle et hâtive avec les faits : c’est ce que Bacon appelle notions temerè è rebus abstractas, (les idées isolées inconsidérément des faits) (19). »

    Si la science est une et indivisible, la méthode pour étudier doit être, conséquemment, une. Qu’il en soit ainsi, en ce qui concerne toutes les branches de connaissances sur lesquelles repose la science sociale, c’est-à-dire la physique, la chimie et la physiologie, c’est ce qu’on ne peut guère mettre en doute aujourd’hui ; mais ce n’est que tout récemment qu’on a eu raison de croire que cette relation réciproque existait. A chaque nouvelle découverte, le rapprochement devient plus étroit, et en même temps que chacune d’elles a lieu, nous apercevons combien les faits acquis à toutes les branches les plus anciennes et les plus abstraites de nos connaissances se relient intimement à la marche progressive de l’homme vers cet état de développement auquel il semble avoir été destiné. De moment en moment, à mesure qu’il acquiert un empire plus étendu sur les diverses forces qui existent dans la nature, il devient capable de vivre en rapport plus immédiat avec son semblable, d’obtenir des quantités plus considérables de subsistances et de vêtements, d’améliorer ses modes de pensée et d’action, et de fournir une instruction plus profitable à la génération destinée à lui succéder. La connaissance qui conduit à de pareils résultats n’est que la base sur laquelle nous devons édifier nécessairement, lorsque nous entreprenons de fonder cette division plus élevée appelée science sociale ; et l’instrument qui a été employé avec tant de succès, pour jeter les fondations, ne peut qu’être reconnu également utile pour construire l’édifice lui-même.

    Les mathématiques doivent être appliquées, dans la science sociale, ainsi qu’elles le sont maintenant, dans toutes les autres branches de recherches, et plus on se sert des mathématiques, plus la science sociale prend la forme d’une science réelle, et plus on démontre combien sont intimes les relations de celle-ci avec d’autres branches de nos connaissances. La loi de Malthus a été le premier exemple de l’application des mathématiques, et si elle s’était trouvée vraie, elle eût donné à l’économie politique une précision qui, jusqu’à ce jour, lui avait complètement fait défaut, en faisant dépendre directement le progrès de l’homme de la présence ou de l’absence de certaines forces sur le sol où il vivait. Il en a été de même de la célèbre théorie de la rente de M. Ricardo, en vertu de laquelle fut établi ce qu’il pensait être la division naturelle des produits du travail entre les travailleurs et les chefs d’industrie, ou les propriétaires du sol qui donnait ces produits. La méthode régulatrice de ces deux grandes lois était exacte, le fait seul de l’avoir adoptée a placé justement leurs auteurs au premier rang des économistes, et a donné à leurs ouvrages une influence que n’a jamais exercée aucun des auteurs qui ont écrit sur la science économique. Bien qu’ils soient tombés dans cette erreur dont nous avons parlé plus haut, qui consiste « à ne rechercher qu’une confrontation partielle et hâtive avec les faits » et que, conséquemment, ils aient fourni au monde des théories positivement contraires à la vérité, nous ne pouvons méconnaître quel avantage infini fût résulté pour le progrès de la science d’avoir les faits subordonnés à ces rapports, s’ils eussent été réels, ni de quelle importance il doit être d’avoir les faits réels, soumis à des rapports de cette nature, toutes les fois que cela est possible.

    Prenons pour exemple la proposition suivante :

    Dans la première période de la société, lorsque la terre est abondante et que la population est relativement peu considérable, le travail est improductif et sur le faible produit qui en résulte, le propriétaire du sol ou un autre capitaliste prélève une large proportion, n’en laissant qu’une très-mince au travailleur. Cette proportion plus large ne donne pourtant qu’une faible quantité, et le travailleur et le capitaliste sont pauvres tous deux ; et le premier à ce point qu’on l’a vu partout être l’esclave du second. Cependant la population et la richesse augmentant, et le travail devenant plus productif, la part du propriétaire du sol diminue en proportion, mais s’accroît en quantité. La part du travailleur augmente, non-seulement en quantité, mais aussi en proportion ; et plus a lieu rapidement l’augmentation de productivité de son travail, plus est considérable la proportion de la quantité augmentée qui lui reste en définitive ; et de cette façon, en même temps que les intérêts de tous deux sont dans une parfaite harmonie réciproque, il y a une tendance constante à l’établissement d’une égalité de condition ; l’esclave de la première période devient l’homme libre de la seconde.

    Si l’on admet la vérité de notre assertion (et s’il en est ainsi, elle établit directement le contraire de ce qui a été avancé par Malthus et Ricardo), nous avons ici l’expression distincte d’un rapport mathématique entre les variations concomitantes de la puissance de l’homme et de la matière ; de l’homme représentant seulement ses propres facultés, et de l’homme représentant les résultats accumulés des facultés humaines s’exerçant sur la matière et les forces qui lui sont inhérentes. Le problème de la science sociale et celui qu’ont tenté de résoudre ces auteurs consiste à savoir quels sont les rapports de l’homme et du monde matériel extérieur. Ces rapports changent, ainsi que nous le voyons, les hommes, dans certains pays, devenant d’année en année et de plus en plus les maîtres, et dans d’autres pays, les esclaves de la nature.

    De quelle manière arrive-t-il que ces changements s’accomplissent ? Il nous faut une réponse mathématique à cette question, et jusqu’à ce qu’elle soit donnée, ainsi qu’on croit qu’elle se trouve dans la très-simple proposition énoncée ci-dessus, l’économie politique ne peut avoir, avec la science sociale, d’autres rapports que ceux qui existent entre les observations des pâtres chaldéens et l’astronomie moderne.

    On peut dire à peine que la science sociale ait une existence. Pour qu’elle pût exister, il serait nécessaire de posséder d’abord les connaissances physiques, chimiques et physiologiques qui nous permettraient d’observer comment il se fait que l’homme est capable d’acquérir la puissance sur les diverses forces destinées à son usage, et de passer de l’état d’esclave à celui de maître de la nature. « L’homme, dit Goëthe, ne se connaît qu’autant qu’il connaît la nature extérieure, » et il a fallu que les parties les plus abstraites et les plus générales de nos connaissances acquissent un haut degré de développement avant de pouvoir aborder avec fruit l’étude des parties éminemment concrètes et spéciales, et la science infiniment variable des lois qui régissent l’homme dans ses rapports avec le monde extérieur et avec ses semblables. La chimie et la physiologie sont toutes deux de date récente. Il y a cent ans, les hommes n’avaient aucune connaissance sur la nature de l’air qu’ils respiraient, et c’est dans cette période qu’Haller a jeté les fondements de la science physiologique de nos jours. En physique même, la doctrine d’Aristote, la doctrine des quatre éléments, régnait encore dans un grand nombre d’écoles, et probablement subsiste encore dans quelques régions placées aux confins extérieurs de la civilisation. Dans un tel état de choses, il ne pouvait guère se faire de progrès qui amenât à acquérir la connaissance de ce fait : combien il était au pouvoir de l’homme de forcer la terre à lui fournir les subsistances nécessaires pour une population constamment croissante ; et sans cette connaissance, il ne pouvait rien exister qui ressemblât à la science sociale.

    La science exige des lois, et les lois ne sont que des vérités universelles, des vérités auxquelles on ne peut trouver d’exceptions. Celles-ci obtenues, l’harmonie et l’ordre remplacent le chaos, et nous arrivons, dans toute branche de la science, à reconnaître aussi bien les effets comme résultats naturels de certaines causes définies, et à prévoir la réapparition d’effets analogues lorsque des causes semblables se rencontreront, à les reconnaître aussi bien, disons-nous, que le premier homme lorsqu’il eut définitivement lié dans sa pensée la présence et l’absence de la lumière au lever et au coucher du soleil.

    Y a-t-il, cependant, dans la science sociale une proposition dont la vérité soit admise universellement ? Il n’en existe pas une seule. Il y a cent ans on estimait que la force d’une nation tendait à s’accroître avec l’augmentation de sa population ; mais on nous enseigne aujourd’hui que cette augmentation entraîne avec elle la faiblesse au lieu de la force. Chaque année nous avons de nouvelles théories sur les lois de la population et de nouvelles modifications à celles qui ont vieilli ; et la question relative aux lois qui régissent la distribution des produits, entre le propriétaire du sol et celui qui l’occupe, se discute aujourd’hui avec autant de vigueur qu’il y a cinquante ans. Parmi les disciples de MM. Malthus et Ricardo, à peine en trouverait-on deux qui s’entendissent sur ce que leurs maîtres ont eu réellement l’intention d’enseigner. Un jour, on nous dit que la doctrine Ricardo-Malthusienne est morte, et le lendemain nous apprenons que douter de sa vérité est une preuve d’ignorance ; et cependant les personnes auxquelles nous devons toutes ces connaissances appartiennent à la même école d’économistes (20). Les avocats les plus décidés de la suppression de toute entrave lorsqu’il s’agit du commerce des draps, se retrouvent parmi les adversaires les plus intraitables de la liberté, s’il s’agit du commerce de l’argent ; et c’est parmi les partisans les plus enthousiastes de la concurrence pour la vente des marchandises qu’on trouve les adversaires les plus décidés de la rémunération vénale du temps et des talents du travailleur. Les maîtres de la science qui se réjouissent de toute circonstance, tendant à augmenter le prix du drap et du fer, comme amenant l’amélioration de la condition humaine, se trouvent aux premiers rangs parmi ceux qui repoussent l’augmentation dans le prix attribué aux services du travailleur, comme tendant à diminuer le pouvoir de MAINTENIR le commerce. D’autres qui professent le principe de la non-intervention du gouvernement, lorsqu’elle s’adresse à la diffusion des connaissances parmi le peuple, sont les défenseurs les plus résolus de la convenance de cette intervention, si elle s’adresse à des mesures qui amènent la guerre et la destruction. Tout n’est donc que confusion et rien n’est établi solidement. Il suit de là nécessairement que le monde regarde tranquillement ce spectacle, attendant le moment où les professeurs arriveront à s’entendre quelque peu, réciproquement, sur ce qu’il faut croire.

    Pour obtenir ce résultat, il est indispensable qu’ils arrivent à comprendre le sens des diverses expressions d’un usage courant, et l’on n’a fait encore aucun pas vers ce but. « Le grand défaut d’Adam Smith, et de nos économistes en général, dit l’archevêque de Dublin, Whateley, c’est le manque de définitions. Et, pour preuve de ce qu’il avance, il présente à ses lecteurs les définitions nombreuses et profondément différentes données par les professeurs les plus distingués, et relatives aux termes si importants de valeur, richesse, travail, capital, rentes, salaires et profit ; et Whateley démontre que, faute de conceptions claires, le même mot est employé par le même auteur, en certain cas, dans un sens complètement contradictoire avec celui qu’il lui donne dans un antre cas. Il pourrait, ainsi qu’il le dit avec beaucoup de vérité, ajouter à cette nomenclature une foule d’autres termes « que l’on emploie souvent sans plus d’explication, ou sans avoir l’air de se douter qu’ils en méritent plus que s’il s’agissait du mot triangle ou du chiffre vingt (21). » Et, par suite, il arrive, ainsi que nous le démontrerons plus tard, que des mots qui ont la plus grande importance sont employés par des auteurs distingués comme étant complètement synonymes, lorsque, en réalité, ils expriment des idées non-seulement différentes, mais positivement contraires.

   


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