PRINCIPES DE LA SCIENCE SOCIALE
PAR M. H.-C. CAREY (De Philadelphie)
TRADUITS EN FRANÇAIS PAR MM. SAINT-GERMAIN-LEDUC ET AUG. PLANCHE
1861
CHAPITRE Ier :
DE LA SCIENCE ET DES MÉTHODES DE LA SCIENCE.
§ 2. — Les sciences se développent en passant de l'abstrait au concret, des masses aux atomes, du composé au simple. Les vérités particulières se répandent avec leurs sujets dans toute l'étendue de l'univers, les lois de la nature étant partout identiques et dans toutes leurs applications.
Les mathématiques abstraites précédèrent naturellement la physique, par cette raison qu’elles étaient uniquement le produit de la logique et reposaient sur ces premiers principes qui, dans leurs éléments, sont tellement, à peu de chose près, intuitifs, qu’au moment où le jeune écolier commence l’étude de la géométrie, il lui semble qu’il possède déjà la notion d’une foule de choses qu’on lui présente alors comme science. C’est ce qui explique aussi pourquoi la morale, la poésie, les beaux-arts et la métaphysique étaient dans un tel état de progrès chez les Grecs, tandis que la science de la mécanique y existait à peine.
A défaut d’observations positives, des hommes adonnés aux spéculations de la pensée regardèrent au dedans d’eux-mêmes et inventèrent des théories qui furent présentées au monde comme des lois ; mais ainsi qu’on l’a dit avec beaucoup de raison, « l’homme ne peut trouver, en matière de science et de religion, que des choses fausses, et toutes les vérités qu’il découvre ne sont que des faits ou des lois qui émanent du Créateur. » Les hommes du moyen âge, les philosophes des écoles enseignaient des théories qui avaient été découvertes par les Grecs, leurs devanciers, et il était réservé à Bacon d’enseigner cette philosophie qui amène à rechercher la vérité au sein même des faits naturels et non des idées spéculatives des hommes. Depuis l’époque où vivait Bacon jusqu’à nos jours, il y a eu tendance perpétuelle à substituer des observations et des inductions scrupuleuses aux rêves des théoriciens ; de même que la doctrine cartésienne des tourbillons avait disparu devant la découverte de la gravitation, de même le phlogistique imaginaire de Stahl et les cosmogonies plutonienne et neptunienne ont cédé la place aux découvertes de la science moderne. L’un, depuis longtemps, a été remplacé par l’oxygène de Lavoisier, et les autres n’ont pu se maintenir aussitôt qu’elles ont été réfutées par les observations des géologues, dont la branche de science ne remonte guère au delà du siècle actuel.
En physique, ainsi que cela eu lieu partout, la partie la plus abstraite et la plus générale a précédé, dans son développement, la partie concrète et spéciale. L’astronomie, ou la science des lois qui régissent les corps extérieurs à notre planète, fut étudiée à une époque très-reculée ; les pâtres de la Chaldée avaient observé avec soin les mouvements des corps célestes, et les Babyloniens avaient calculé les éclipses, des milliers d’années avant l’ère chrétienne. Le puits de Syène fournit à Ératosthène les observations nécessaires pour déterminer le méridien terrestre ; et bien des siècles avant Copernic, Archimède enseignait le double mouvement que la terre accomplit autour de son axe et autour du soleil. La durée précise de l’année solaire avait été déterminée par Hipparque, en même temps que les observations faites par les Mexicains et celles des Étrusques conduisaient, à cet égard, si près du même résultat que la différence entre les uns et les autres n’était que de 10 minutes.
Les mouvements des corps célestes furent donc ainsi de bonne heure étudiés et compris ; toutefois il était réservé à Newton de découvrir pour quelle raison la pomme détachée de l’arbre tombe sur la terre : à Franklin de découvrir l’identité de la foudre et de l’électricité ; à Cavendish la composition de que nous respirons ; à Black l’existence du calorique latent, et aux savants même de nos jours les lois en vertu desquelles nous voyons et nous entendons. Le grand ouvrage de Laplace sur la mécanique céleste fut le produit de cette même époque qui assistait à la naissance d’une science nouvelle, ayant pour objet de déterminer la composition du globe sur lequel nous vivons et nous accomplissons nos mouvements, et dont nous tirons notre subsistance de chaque jour. C’est ainsi qu’à mesure que nous nous rapprochons davantage de l’homme, de ses actes ordinaires et de ses desseins, nous trouvons les plus grands retardements dans ces connaissances positives acquises de si bonne heure, si l’on se reporte à la méthode à suivre dans les efforts qu’il a fallu faire pour les acquérir. L’étude de l’histoire conduit inévitablement à admettre avec Buffon cette opinion : « Que quelque puissant intérêt que nous ayons à nous connaître, il est probable que nous connaissons toute chose beaucoup mieux que nous-mêmes ; » et avec Rousseau cette croyance : « Qu’il faut beaucoup de philosophie pour observer les faits qui se passent tout près de nous ».
Si nous passons, des lois plus abstraites et plus générales qui régissent les mouvements des corps éloignés de nous, à celles qui déterminent la composition de la matière qui nous environne d’une façon immédiate, nous apercevons de nouvelles lois, mais toutes subordonnées à celles que nous avons d’abord obtenues et en harmonie avec elles. Après la physique qui s’occupe des masses, la chimie s’occupe des éléments dont elles se composent, éléments tous sujets aux mêmes lois qui régissent ces masses elles-mêmes. Les atomes, résultats de l’analyse de Cavendish, obéissent à la loi de la gravitation aussi bien que la terre, les satellites de Jupiter et Jupiter lui-même. « La distinction entre la chimie et la physique, dit M. Comte, est beaucoup moins facile à établir que celle qui existe entre la chimie et l’astronomie ; et, ajoute-t-il, c’est une distinction à l’égard de laquelle il devient plus difficile de se prononcer, à mesure que de nouvelles découvertes révèlent des rapports plus intimes (4) ».
Le lecteur se convaincra facilement qu’il en est ainsi, s’il réfléchit aux développements considérables que les sciences physiques doivent aujourd’hui aux travaux de Cavendish, de Priestley, de Black, de Davy, de Lavoisier, de Fourcroy, de Gay-Lussac et d’autres chimistes éminents.
Dans un autre passage de son admirable tableau des progrès et des développements graduels de la science, M. Comte démontre ainsi la relation intime qui existe entre la physique d’une part, la chimie et la physiologie de l’autre.
« Grâce à la série importante des phénomènes électro-chimiques, la chimie devient, en quelque sorte, un prolongement de la physique ; et à son autre extrémité, elle établit les bases de la physiologie par suite de ses recherches dans le domaine des combinaisons organiques. Ces relations sont tellement réelles qu’il est arrivé souvent, que des chimistes non exercés à la philosophie de la science sont demeurés incertains si tel ou tel sujet particulier se trouvait compris dans le cercle de leur science, ou devait appartenir, soit à la physique, soit à la physiologie (5). »
Quant à présent, M. Comte pense « que la dépendance directe de la chimie à l’égard de l’astronomie, n’est que très-faible ; mais qu’au moment où arrivera le développement de la chimie concrète, c’est-à-dire l’application méthodique des connaissances chimiques à l’histoire naturelle du globe, les considérations astronomiques se feront jour, sans nul doute, là même où il semble aujourd’hui qu’il n’existe aucun point de contact entre les deux sciences. La géologie, bien qu’encore peu avancée, nous fait pressentir la nécessité future et comme un vague instinct de ce qui existait probablement dans les esprits au siècle de la théologie, lorsqu’on s’était, chimériquement et toutefois obstinément, attaché à cette idée, d’unir l’astrologie et l’alchimie. En réalité, il est impossible de concevoir les grandes opérations qui s’accomplissent à l’intérieur du globe comme radicalement indépendantes de ses conditions planétaires (6) ».
Si nous laissons les masses dont s’occupe la physique pour passer aux atomes dans lesquels elles se résolvent par suite de l’analyse chimique, nous trouvons immédiatement ces atomes se disposant eux-mêmes en formes organisées et vivantes, et constituant les sujets plus spéciaux de la physiologie végétale, animale et humaine, dont M. Comte définit ainsi les relations avec la chimie :
« La physiologie, dit-il, dépend de la chimie à la fois comme point de départ et comme moyen principal d’investigation. Si nous séparons les phénomènes de la vie, proprement dits, des phénomènes de l’animalité, il est clair que les premiers, dans le double mouvement intérieur qui les caractérise, sont essentiellement chimiques. Les opérations qui résultent de l’organisation ont un caractère particulier ; mais, à part ces modifications, elles sont nécessairement soumises aux lois générales des effets chimiques. Lors même qu’on étudie les corps vivants sous un point de vue uniquement statique, la chimie est d’un usage indispensable, en ce qu’elle nous permet de distinguer avec prévision les divers éléments anatomiques de toute espèce d’organisme (7) ».
Plus loin, en traitant de la biologie, il s’exprime ainsi :
« C’est à la chimie que la biologie est par sa nature le plus immédiatement et le plus complètement subordonnée. En analysant le phénomène de la vie, nous avons vu que les actes fondamentaux, qui, à raison de leur perpétuité, caractérisent cet état, consistent dans une série de compositions et de décompositions, et qu’ils sont conséquemment d’une nature chimique. Bien que dans les organismes les plus imparfaits les réactions vitales soient profondément distinctes des effets chimiques ordinaires, il n’en est pas moins vrai que toutes les fonctions de la vie organique, proprement dite, sont nécessairement régies par les lois fondamentales de composition et de décomposition qui forment le sujet de la science chimique. Si nous pouvions concevoir, en parcourant toute l’échelle des êtres, la même séparation de la vie organique, par rapport à la vie animale, que nous n’apercevons que dans les végétaux, le mouvement vital n’offrirait que des conceptions chimiques, à l’exception des circonstances essentielles qui distinguent cet ordre de réactions moléculaires. Selon moi, la source générale de ces différences importantes doit être recherchée dans le résultat de chaque conflit chimique, qui ne dépend pas uniquement de la simple composition des corps entre lesquels il a lieu, mais qui est modifié par leur organisation propre, c’est-à-dire par leur structure anatomique. La chimie doit évidemment fournir le point de départ de toute théorie rationnelle de nutrition, de sécrétion, en un mot de toutes les fonctions de la vie végétale, considérées isolément ; chacune de ces fonctions est régie par l’influence des lois chimiques, sauf en ce qui concerne les modifications spéciales appartenant aux conditions organiques (8). »
Toutefois, ce n’est pas seulement à la chimie que se relie la physiologie. Quelque éloignée de l’astronomie que paraisse cette dernière branche des connaissances, le rapport entre elles « est plus important, dit M. Comte, qu’on ne le suppose généralement. Je conçois, dit-il, en quelque façon comme plus qu’impossible de comprendre la théorie de la pesanteur et ses effets sur l’organisme, isolée de la considération de la gravitation générale. Je conçois en outre, et plus particulièrement, qu’il est impossible de se former une idée scientifique des conditions de l’existence vitale, sans tenir compte de l’agrégation des éléments astronomiques caractérisant la planète qui est le siége de cette existence vitale. Nous verrons plus complètement, dans le volume suivant, de quelle façon l’humanité est affectée par ces conditions astronomiques ; mais nous devons examiner rapidement ces rapports.
« Les données astronomiques propres à notre planète sont naturellement statiques et dynamiques. L’importance biologique des conditions statiques devient de suite évidente. Personne ne met en doute l’importance pour l’existence vitale de la masse de notre planète, en comparaison de celle du soleil, qui détermine l’intensité de pesanteur ; ni l’importance de sa forme qui régie la direction de la force ; ou de l’équilibre fondamental et des oscillations régulières des fluides qui couvrent la plus grande partie de sa surface, et à laquelle se lie si étroitement l’existence des êtres vivants ; ou de ses dimensions qui servent de bornes à la reproduction illimitée des espèces, et notamment de l’espèce humaine ; ou de sa distance du centre de notre système, qui détermine principalement sa température. Tout changement soudain dans l’une quelconque de ces conditions modifierait considérablement les phénomènes de la vie. Mais l’influence des conditions dynamiques de l’astronomie sur l’étude de la biologie est encore plus importante. Sans les deux conditions, et de la fixité des pôles comme centre de rotation, et de l’uniformité de la vitesse angulaire de la terre, il y aurait une perturbation continuelle des milieux organiques, qui serait incompatible avec la vie. Bichat avait remarqué que l’intermittence de la vie animale, proprement dite, est subordonnée, dans ses périodes, à la rotation diurne de notre planète ; et nous pouvons étendre l’observation à tous les phénomènes périodiques qui se manifestent dans un organisme quelconque, dans l’état normal ou dans l’état pathologique, en faisant toutefois la part des influences secondaires et transitoires. En outre, il y a toute raison de croire que, dans chaque organisme, la durée totale de la vie et de ses principales phases naturelles dépend de la vitesse angulaire propre à notre planète. En effet, nous sommes autorisés à admettre que, toutes choses égales d’ailleurs, la durée de la vie doit être plus courte particulièrement dans l’organisme animal, à mesure que les phénomènes vitaux se succèdent plus rapidement. Si la terre devait tourner beaucoup plus vite, la série des phénomènes physiologiques en serait accélérée proportionnellement, et, conséquemment, la vie serait plus courte ; de telle sorte que la durée de la vie peut être regardée comme dépendante de la durée du jour. Si la durée de l’année devait changer, la vie de l’organisme en serait de nouveau affectée. Mais une considération encore plus frappante, c’est que l’existence vitale est absolument enchaînée à la forme de l’orbite de la terre, ainsi qu’on l’a déjà observé. Si cette ellipse devait devenir, au lieu de presque circulaire, aussi excentrique que l’orbite d’une comète, le milieu atmosphérique et l’organisme subiraient tous deux un changement funeste à l’existence vitale. C’est ainsi que la faible excentricité de l’orbite de la terre est une des principales conditions des phénomènes biologiques, presque aussi nécessaire que la rotation immanente de la terre ; et tout autre élément du mouvement annuel exerce une influence plus ou moins marquée sur les conditions biologiques, bien qu’elle ne soit pas aussi considérable que celle que nous avons avancée. L’inclinaison du plan de l’orbite, par exemple, détermine la division de la terre en climats, et conséquemment, la distribution géographique des espèces vivantes, animales et végétales. Et réciproquement, par suite de l’alternative des saisons, cette inclinaison influence les phases de l’existence individuelle dans tous les organismes ; et l’on ne peut douter que la vie serait affectée si la révolution de la ligne des noeuds s’accomplissait plus rapidement ; de telle sorte que son état d’immobilité presque complète a quelque valeur biologique. Ces considérations font voir combien il est nécessaire aux biologistes de se renseigner exactement, et sans aucun intermédiaire, sur les éléments réels particuliers à la constitution astronomique de notre planète. Une connaissance inexacte ne suffirait pas. Les lois des limites de variation des divers éléments, ou, au moins, une analyse scientifique des principales bases de leur fixité, sont indispensables pour les recherches biologiques, et l’on ne peut les obtenir qu’en acquérant la connaissance des conceptions de l’astronomie, géométriques et mécaniques.
« Il peut sembler d’abord anormal, et cela peut paraître une atteinte au système encyclopédique des sciences, que l’astronomie et la biologie soient aussi directement et éminemment unies, tandis qu’il existe entre elles deux autres sciences. Mais tout indispensables que sont la physique et la chimie, l’astronomie et la biologie sont par leur nature les deux branches principales de la philosophie naturelle. Se complétant réciproquement, elles renferment dans leur harmonie rationnelle le système général de nos conceptions fondamentales. Le système solaire et l’homme sont les termes extrêmes dans lesquels nos idées se renfermeront éternellement. Le système d’abord et l’homme ensuite, conformément à la marche positive de notre raison spéculative ; et l’inverse dans les opérations actives, les lois du système déterminant celles qui régissent l’homme et demeurant inaltérables par lui. Entre ces deux pôles de la philosophie naturelle s’interposent les lois de la physique, comme une sorte de complément des lois astronomiques, et, à leur tour, celles de la chimie, comme un préliminaire immédiat des lois biologiques. Telle étant la constitution rationnelle et indissoluble de ces sciences, on voit clairement pourquoi j’ai insisté sur la subordination de l’étude de l’homme à celle du système, comme étant le principal caractère philosophique d’une biologie positive. »
Si nous passons maintenant à la branche plus concrète et plus spéciale de connaissances, qui traite des rapports de l’homme avec ses semblables et avec la terre dont il tire ses moyens de subsistance, nous trouvons la chimie qui en jette les fondements, lorsqu’elle « abolit l’idée de destruction et de création (9)» et qu’elle établit comme certains les faits suivants : que la consommation des subsistances n’est qu’un pas nécessaire vers leur reproduction ; que, dans toutes les opérations agricoles, l’homme ne fait que fabriquer une machine qui l’entretient pendant qu’il est occupé à cette fabrication ; que plus il consacre de temps et d’intelligence au développement des forces productives de la terre, plus aussi sa puissance de consommation doit être considérable, et que plus la consommation des subsistances suit rapidement la production de celles-ci, plus la reproduction des éléments indispensables pour de nouveaux approvisionnements sera considérable. Ces aperçus relatifs à l’effet du principe ainsi établi ne paraissent pas s’être présentés à l’esprit de M. Comte ; mais il démontre clairement la relation directe qui existe entre la chimie et la science sociale, lorsqu’il dit à ses lecteurs : « Qu’avant qu’on connût aucune matière ou produit gazeux, beaucoup de phénomènes frappants doivent avoir suggéré inévitablement l’idée de l’annihilation ou de la production réelle de la matière dans le système général de la nature. Ces idées ne pouvaient céder devant la véritable conception de décomposition et de composition jusqu’au moment où nous avons décomposé l’air et l’eau, puis analysé les substances végétales et animales, et terminé par l’analyse des alcalis et des terres, montrant ainsi le principe fondamental de la perpétuité indéfinie de la matière. Dans les phénomènes vitaux, l’examen chimique, non-seulement des corps vivants, mais encore de leurs fonctions, tout imparfait qu’il est à cette heure, doit jeter une vive lumière sur l’économie de la nature vitale, en démontrant qu’il ne peut exister aucune matière organique radicalement hétérogène pour une matière inorganique, et que les transformations vitales sont sujettes, comme toutes les autres, aux lois générales des phénomènes chimiques. »
Il n’est guère possible d’étudier ces faits sans arriver à croire à l’universalité des lois qui régissent la matière, quelque forme que cette matière puisse revêtir ; argile, houille, fer, froment, ou homme ; qu’elle soit condensée sous la forme de chaînes de montagnes, ou d’immenses agglomérations d’hommes. Nous ne pouvons concevoir aucun corps sans pesanteur, et il nous serait impossible d’en imaginer un seul qui ne fût pas soumis à la loi de composition des forces. La chimie et la physiologie, plus concrètes et plus spéciales que la physique, fournissent de nouvelles lois, mais toujours subordonnées à celles qui gouvernent les masses d’où proviennent les atomes dont on s’occupe dans ces branches des connaissances humaines. La chimie concourt au développement de la physique, en même temps que les recherches du physiologiste posent constamment de nouvelles questions et favorisent ainsi le progrès de la science chimique. Chacune d’elle prête son aide et le reçoit à son tour.
La racine, la tige, les branches, les feuilles et les fleurs de l’arbre obéissent au même système de lois. Une eau colorée appliquée à la racine change la couleur de la fleur, et si la racine cesse d’absorber des sucs nourriciers, l’arbre périt. Cet arbre est semblable à l’arbre de la science dont la racine existe dans la physique, en même temps que sa tige se partage en divisions basées sur l’observation et l’expérience, et qu’il nous reste à trouver les feuilles, les fleurs et le fruit dans les branches mêmes de la science qui sont moins susceptibles de démonstration.
On ne peut guère mettre en doute aujourd’hui que cela ne soit vrai, en ce qui concerne les parties les plus abstraites et les plus générales de la science dont nous avons voulu surtout parler.
Pourrions-nous donc mettre en doute que nous trouverons un résultat identique, en ce qui concerne ces sciences plus concrètes et plus spéciales qui traitent de l’homme dans ses rapports avec le monde matériel, de l’homme dans ses rapports avec ses semblables, de l’homme comme être capable d’acquérir la puissance sur les diverses forces naturelles destinées à son usage, et responsable envers ses semblables et envers son Créateur de l’emploi convenable des facultés dont il a été si merveilleusement doté ? Si la racine, la tige et les branches obéissent aux mêmes lois, ne trouverons-nous pas que les fleurs et le fruit de l’arbre de la science leur sont soumis également, et le diagramme placé en regard de cette page ne représentera-t-il pas avec une très-grande exactitude la relation existante entre les diverses branches des connaissances et l’ordre successif de leur développement.