26 janvier 2010
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Voici une excellente tribune de monsieur Claude Allègre, publiée dans les pages Débats du Point, édition du 21 janvier 2010. Il y est extrêmement percutant, polémique, et lie - enfin - très clairement l'écologie à l'impérialisme et à la haute finance spéculative, ce qui ne sera une découverte que pour ceux qui n'ont pas lu la non-moins excellente Etude sur la nature des mouvements écologistes et leurs véritables objectifs.
Son titre est : "Copenhague : le Sud a dit NON!"
Ici, à la recherchedubonheur.com, nous sommes enchantés de lire cela dans la grande presse, et très content de pouvoir vous en faire profiter :
Copenhague a été un échec, comme - avec quelques autres - je l'avais prévu. Cet échec ne sera pas réparé, parce que les idées qui ont présidé à cette réunion sont fondamentalement erronées et que les intentions, sous-jacentes, n'étaient pas exemptées d'arrière-pensées.
Car l'idée centrale qui, naturellement, n'était pas affichée comme telle était de faire contrôler le développement des pays du Sud (Chine, Inde, Brésil, Indonésie, Afrique du Sud) par les pays du Nord. Sous le prétexte qu'il faut éviter qu'ils polluent - « notre » planète -, on voudrait leur imposer des quotas et avoir le droit de contrôler la manière dont ceux-ci sont respectés, et par conséquent le rythme de développement de ces pays dits émergents. Bien sûr, ils ne l'accepteront jamais. Si ce n'était pas la volonté de contrôler le développement du Sud - c'est-à-dire l'avenir de la planète -, pourquoi avoir impliqué dans la conférence de Copenhague 192 pays dont 90 % ne dégagent à eux tous que moins du millième des émissions de CO2 ?
Pourquoi ne pas avoir choisi le sommet de la FAO à Rome pour confronter les chefs d'Etat au fléau de la malnutrition ? Leur détermination à aider la planète aurait été plus crédible !
De quel droit le Nord pourrait-il dicter au Sud la manière de se développer en obéissant au résultat d'un bilan carbone ? Cette ambition n'est pas nouvelle, elle était déjà présente à Kyoto avec le fameux système des droits à polluer, du marché carbone, qui ne sont rien de plus que l'ancien système des indulgences, instauré par l'Eglise catholique pour racheter ses péchés sous certaines conditions.
Les pollueurs peuvent continuer à le faire en rachetant leurs droits à polluer aux pays pauvres. Certes, ces derniers reçoivent un prix pour cela, mais ce prix correspond à l'assurance d'un non-développement. Comme le disait avec force un chef d'Etat africain : « Vous nous offrez de nous développer avec des voitures électriques et du photovoltaïque, mais c'est plus cher et moins fiable que les sources d'énergie que vous utilisez vous-même dans les pays du Nord. »
Naturellement, ce marché n'était pas distinct des excès coupables de la planète fric et du système des produits dérivés qui nous ont conduits à la crise. La banque américaine Lehman Brothers, qui nous a si promptement entraînés vers le désastre, n'avait-elle pas mis en route un programme joliment nommé Business of Climate Change, avec comme conseillers - excusez du peu - Al Gore et l'alarmiste scientifique en chef Hansson ?
L'un des anciens numéros deux de l'Onu, homme clé dans cette affaire, qui fut à l'origine des sommets de Rio et de Kyoto, Maurice Strong, et qui fut aussi obligé de quitter l'Onu après des micmacs en Irak dans la première guerre du golfe, ne siège-t-il pas dans le Chicago Climate Exchange, l'un des centres du business carbone ? Et, avec un esprit d'entreprise aussi audacieux que naïf, ne se proposait-il pas d'en installer un en Asie pour organiser un marché carbone chinois ?
Tout ce merveilleux Meccano est fondé, comme dans le cas des banques, sur un modèle informatique de prédiction du climat que l'on sait désormais plus qu'incertain, et probablement faux. Mais, en filigrane, derrière cette organisation il y a aussi la volonté de faire gouverner le monde par une escouade de fonctionnaires internationaux choisissant les comités d'experts, décidant de ce qui est bon pour le monde et manoeuvrant comme à la parade les chefs d'Etat, aussi heureux de se retrouver ensemble autour du magnifique projet de sauver la planète qu'incapables de hiérarchiser les enjeux. Patatras ! Le bon sens des pays du Sud l'a emporté, jetant bas tous les beaux projets.
L'Amérique, qui n'est pas prête à sacrifier son économie à des chimères, fussent-elles baptisées scientifiques, accompagne ce mouvement. Témoin la rencontre d'Obama à huis clos avec la Chine, l'Inde, le Brésil, mais sans l'Europe. L'Europe, elle aussi animée par une troupe de technocrates anonymes qui rêvaient d'un grand marché carbone européen dans lequel certains se seraient sans nul doute investis, continue à faire des moulinets. Elle devrait réaliser qu'elle devient le seul espace au monde où la décroissance est désormais une réalité durable. La sagesse du Sud l'a emporté sur la fausse naïveté impérialiste du Nord, qui n'arrive pas à faire le deuil de la fin de sa suprématie ! Il reste que des problèmes gigantesques et urgents se posent à la planète. Ainsi la pénurie d'eau et de nourriture qui, dès aujourd'hui, détruit chaque jour des milliers de vies, et notamment celles d'enfants. La démographie galopante de certains pays pauvres, qui va induire des migrations humaines qu'aucune politique restrictive des pays d'accueil ne pourra contrôler. Dans les pays et entre les pays, les inégalités s'accroissent et ne pourront éternellement être tolérées avec ce spectre désormais mondialisé qui s'appelle chômage et pauvreté.
Le monde ne pourra retrouver une nouvelle croissance plus harmonieuse que par l'innovation et l'adaptation aux changements climatiques, par la création de richesses et une meilleure distribution de ces dernières. Mais pas par des quotas, des taxes, des interdictions et encore moins par la décroissance !
Messieurs les chefs d'Etat, réveillez-vous, sortez du monde virtuel, des projections séculaires. Occupez-vous des peuples, de leurs besoins immédiats, des questions urgentes car, par-delà la planète qu'il faut certes « gérer », il y a l'homme. L'homme, quand en sera-t-il question ?
Publié le 21/01/2010 N°1949 Le Point
Son titre est : "Copenhague : le Sud a dit NON!"
Ici, à la recherchedubonheur.com, nous sommes enchantés de lire cela dans la grande presse, et très content de pouvoir vous en faire profiter :
Copenhague : le Sud a dit NON !
la sagesse du sud l'a emporté sur la fausse naïveté impérialiste du nord, qui n'arrive pas à faire le deuil de la fin de sa suprématie.
la sagesse du sud l'a emporté sur la fausse naïveté impérialiste du nord, qui n'arrive pas à faire le deuil de la fin de sa suprématie.
Claude Allègre
Copenhague a été un échec, comme - avec quelques autres - je l'avais prévu. Cet échec ne sera pas réparé, parce que les idées qui ont présidé à cette réunion sont fondamentalement erronées et que les intentions, sous-jacentes, n'étaient pas exemptées d'arrière-pensées.
Car l'idée centrale qui, naturellement, n'était pas affichée comme telle était de faire contrôler le développement des pays du Sud (Chine, Inde, Brésil, Indonésie, Afrique du Sud) par les pays du Nord. Sous le prétexte qu'il faut éviter qu'ils polluent - « notre » planète -, on voudrait leur imposer des quotas et avoir le droit de contrôler la manière dont ceux-ci sont respectés, et par conséquent le rythme de développement de ces pays dits émergents. Bien sûr, ils ne l'accepteront jamais. Si ce n'était pas la volonté de contrôler le développement du Sud - c'est-à-dire l'avenir de la planète -, pourquoi avoir impliqué dans la conférence de Copenhague 192 pays dont 90 % ne dégagent à eux tous que moins du millième des émissions de CO2 ?
Pourquoi ne pas avoir choisi le sommet de la FAO à Rome pour confronter les chefs d'Etat au fléau de la malnutrition ? Leur détermination à aider la planète aurait été plus crédible !
De quel droit le Nord pourrait-il dicter au Sud la manière de se développer en obéissant au résultat d'un bilan carbone ? Cette ambition n'est pas nouvelle, elle était déjà présente à Kyoto avec le fameux système des droits à polluer, du marché carbone, qui ne sont rien de plus que l'ancien système des indulgences, instauré par l'Eglise catholique pour racheter ses péchés sous certaines conditions.
Les pollueurs peuvent continuer à le faire en rachetant leurs droits à polluer aux pays pauvres. Certes, ces derniers reçoivent un prix pour cela, mais ce prix correspond à l'assurance d'un non-développement. Comme le disait avec force un chef d'Etat africain : « Vous nous offrez de nous développer avec des voitures électriques et du photovoltaïque, mais c'est plus cher et moins fiable que les sources d'énergie que vous utilisez vous-même dans les pays du Nord. »
Naturellement, ce marché n'était pas distinct des excès coupables de la planète fric et du système des produits dérivés qui nous ont conduits à la crise. La banque américaine Lehman Brothers, qui nous a si promptement entraînés vers le désastre, n'avait-elle pas mis en route un programme joliment nommé Business of Climate Change, avec comme conseillers - excusez du peu - Al Gore et l'alarmiste scientifique en chef Hansson ?
L'un des anciens numéros deux de l'Onu, homme clé dans cette affaire, qui fut à l'origine des sommets de Rio et de Kyoto, Maurice Strong, et qui fut aussi obligé de quitter l'Onu après des micmacs en Irak dans la première guerre du golfe, ne siège-t-il pas dans le Chicago Climate Exchange, l'un des centres du business carbone ? Et, avec un esprit d'entreprise aussi audacieux que naïf, ne se proposait-il pas d'en installer un en Asie pour organiser un marché carbone chinois ?
Tout ce merveilleux Meccano est fondé, comme dans le cas des banques, sur un modèle informatique de prédiction du climat que l'on sait désormais plus qu'incertain, et probablement faux. Mais, en filigrane, derrière cette organisation il y a aussi la volonté de faire gouverner le monde par une escouade de fonctionnaires internationaux choisissant les comités d'experts, décidant de ce qui est bon pour le monde et manoeuvrant comme à la parade les chefs d'Etat, aussi heureux de se retrouver ensemble autour du magnifique projet de sauver la planète qu'incapables de hiérarchiser les enjeux. Patatras ! Le bon sens des pays du Sud l'a emporté, jetant bas tous les beaux projets.
L'Amérique, qui n'est pas prête à sacrifier son économie à des chimères, fussent-elles baptisées scientifiques, accompagne ce mouvement. Témoin la rencontre d'Obama à huis clos avec la Chine, l'Inde, le Brésil, mais sans l'Europe. L'Europe, elle aussi animée par une troupe de technocrates anonymes qui rêvaient d'un grand marché carbone européen dans lequel certains se seraient sans nul doute investis, continue à faire des moulinets. Elle devrait réaliser qu'elle devient le seul espace au monde où la décroissance est désormais une réalité durable. La sagesse du Sud l'a emporté sur la fausse naïveté impérialiste du Nord, qui n'arrive pas à faire le deuil de la fin de sa suprématie ! Il reste que des problèmes gigantesques et urgents se posent à la planète. Ainsi la pénurie d'eau et de nourriture qui, dès aujourd'hui, détruit chaque jour des milliers de vies, et notamment celles d'enfants. La démographie galopante de certains pays pauvres, qui va induire des migrations humaines qu'aucune politique restrictive des pays d'accueil ne pourra contrôler. Dans les pays et entre les pays, les inégalités s'accroissent et ne pourront éternellement être tolérées avec ce spectre désormais mondialisé qui s'appelle chômage et pauvreté.
Le monde ne pourra retrouver une nouvelle croissance plus harmonieuse que par l'innovation et l'adaptation aux changements climatiques, par la création de richesses et une meilleure distribution de ces dernières. Mais pas par des quotas, des taxes, des interdictions et encore moins par la décroissance !
Messieurs les chefs d'Etat, réveillez-vous, sortez du monde virtuel, des projections séculaires. Occupez-vous des peuples, de leurs besoins immédiats, des questions urgentes car, par-delà la planète qu'il faut certes « gérer », il y a l'homme. L'homme, quand en sera-t-il question ?
Publié le 21/01/2010 N°1949 Le Point
Published by Claude Allègre pour Le Point - Jean-Gabriel Mahéo
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Le monde - la presse - l'actu
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