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12 décembre 2004 7 12 /12 /décembre /2004 00:10
CHAPITRE IX
         Des Droits qui restent à toutes les Nations, après l’introduction du Domaine & de la Propriété.



§.116       Quels sont les droits dont les hommes ne peuvent être privés.

Si l'Obligation, comme nous l'avons observé, donne le droit aux choses sans lesquelles elle ne peut être remplie ; toute obligation absoluë, nécessaire & indispensable, produit de cette manière des droits également absolus, nécessaires & que rien ne peut ôter.   La Nature n'impose point aux hommes des obligations, sans leur donner les moyens d'y satisfaire.   Ils ont un droit absolu à l'usage nécessaire de ces moyens : Rien ne peut les priver de ce droit, comme rien ne peut les dispenser de leurs obligations naturelles.

§.117       Du droit qui reste de la Communion primitive.

Dans la communion primitive, les hommes avoient droit indistinctement à l'usage de toutes choses, autant qu'il leur étoit nécessaire pour satisfaire à leurs obligations naturelles.   Et comme rien ne peut les priver de ce droit, l'introduction du Domaine & de la Propriété n'a pû se faire, qu'en laissant à tout homme l'usage nécessaire des choses, c’est-à-dire l'usage absolument requis pour l'accomplissement de ses obligations naturelles.   On ne peut donc les supposer introduits qu'avec cette restriction tacite, que tout homme conserve quelque droit sur les choses soumises à la propriété, dans les cas où, sans ce droit il demeurerait absolument privé de l'usage nécessaire des choses de cette nature.   Ce droit est un reste nécessaire de la Communion primitive.

§.118       Du droit qui reste à chaque Nation sur ce qui appartient aux autres.

Le Domaine des Nations n'empêche donc point que chacune n’ait encore quelque droit sur ce qui appartient aux autres, dans les cas où elle se trouveroit privée de l'usage nécessaire de certaines choses, si la propriété d'autrui l'en excluoit absolument.   Il faut peser soigneusement toutes les circonstances, pour faire une juste application de ce Principe.

§.119       Du Droit de nécessité.

J'en dis autant du Droit de nécessité.   On appelle ainsi le Droit que la nécessité seule donne à certains actes, d'ailleurs illicites, lorsque sans ces actes il est impossible de satisfaire à une obligation indispensable.   Il faut bien prendre garde que l'obligation doit être véritablement indispensable dans le cas, & l'acte dont il s'agit, l'unique moyen de satisfaire à cette obligation.   Si l'une ou l'autre de ces deux conditions manque, il n'y a point de Droit de nécessité.   On peut voir ces matières développées dans les Traités de Droit Naturel, & particulièrement dans celui de M. WOLF.   Je me borne à rappeller ici en peu de mots les principes dont nous avons besoin pour expliquer les droits des Nations.

§.120       Du droit de se procurer des vivres par la force.

La terre doit nourrir les habitans ; la propriété des uns ne peut réduire celui qui manque de tout à mourir de faim.   Lors donc qu'une Nation manque absolument de vivres, elle peut contraindre les voisins, qui en ont de reste, à lui en céder à juste prix, ou même en enlever de force, si on ne veut pas lui en vendre.   L'extrême nécessité fait renaître la Communion primitive, dont l'abolition ne doit priver personne du nécessaire (§.117).   Le même droit appartient à des particuliers, quand une Nation étrangère leur refuse une juste assistance.   Le Capitaine Bontekoe, Hollandois, ayant perdu son Vaisseau en pleine mer, il se sauva dans la Chaloupe avec une partie de l'Equipage, & aborda à une côte Indienne, dont les barbares habitans lui refusèrent des vivres : les Hollandois s'en procurèrent l'épée à la main (a) Voyages des Hollandois aux Indes orientales, Voyage de Bontekoe).

§.121       Du droit de se servir de choses appartenantes à autrui.

De même, si une Nation a un besoin pressant de vaisseaux, de chariôts, de chevaux, ou du travail même des étrangers, elle peut s'en servir, de gré ou de force ; pourvû que les propriétaires ne soient pas dans la même nécessité qu'elle.   Mais comme elle n'a pas plus de droit à ces choses que la nécessité ne lui en donne, elle doit payer l'usage qu'elle en fait, si elle a de quoi le payer.   La pratique de l'Europe est conforme à cette maxime.   On retient, dans un besoin, les Vaisseaux étrangers qui se trouvent dans le port ; mais ou paye le service que l’on en tire.

§.122       Du droit d'enlever des femmes.

Disons un mot d'un cas plus singulier, puisque les Auteurs en ont parlé, d'un cas où il n'arrive plus aujourd'hui que l’on soit réduit à employer la force.   Une Nation ne peut se conserver & se perpétuer que par la propagation.   Un Peuple d'hommes est donc en droit de se procurer des femmes, absolument nécessaires à sa conservation ; & si ses Voisins qui en ont de reste lui en refusent, il peut justement recourir à la force.   Nous en avons un exemple fameux dans l'enlèvement des Sabines (a) Tit. Livius, Lib. I).   Mais s'il est permis à une Nation de se procurer, même à main armée, la liberté de rechercher des filles en mariage ; aucune fille en particulier ne peut être contrainte dans son choix, ni devenir de droit la femme d'un ravisseur.   C’est à quoi n'ont pas fait attention ceux qui ont décidé sans restriction, que les Romains ne firent rien d'injuste dans cette occasion (b) Voir WOLF II Jus Gent. §.341).   Il est vrai que les Sabines se soumirent de bonne grâce à leur sort ; & quand leur Nation prit les armes pour les venger, il parut assez au zèle avec lequel elles se précipitèrent entre les Combattans, qu'elles reconnoissoient volontiers dans les Romains de légitimes Epoux.

            Disons encore que si les Romains, comme plusieurs le prétendent, n'étoient au commencement qu'un amas de Brigands réunis sous ROMULUS, ils ne formoient point une vraie Nation, un juste Etat ; les Peuples voisins étoient fort en droit de leur refuser des femmes ; & la Loi Naturelle, qui n'approuve que les justes Sociétés Civiles, n'exigeoit point que l’on fournît à cette société de Vagabonds & de Voleurs les moyens de se perpétuer.   Bien moins l'autorisoit-elle à se procurer ces moyens par la force.   De même, aucune Nation n'étoit obligée de fournir des Mâles aux Amazones.   Ce Peuple de femmes, si jamais il a existé, se mettoit par sa faute hors d'état de se soutenir sans sécours étrangers.

§.123       Du droit de passage.

Le droit de passage est encore un reste de la Communion primitive, dans laquelle la terre entière étoit commune aux hommes, & l'accès libre par-tout à chacun, suivant ses besoins.   Personne ne peut être entiérement privé de ce droit (§.117) ; mais l'exercice en est restreint par l’introduction du Domaine & de la Propriété : Depuis cette introduction, on ne peut en faire usage qu'en respectant les droits propres d'autrui.   L'effet de la Propriété est de faire prévaloir l'utilité du Propriétaire sur celle de tout autre.   Lors donc Que le Maître d'un Territoire juge à propos de vous en refuser l'accès, il faut que vous ayez quelque raison, plus forte que toutes les siennes, pour y entrer malgré lui.   Tel est le Droit de nécessité : il vous permet une action, illicite en d'autres rencontres, celle de ne pas respecter le Droit de Domaine.   Quand une vraie nécessité vous oblige à entrer dans le pays d'autrui ; par exemple, si vous ne pouvez autrement vous soustraire à un péril imminent, si vous n'avez point d'autre passage pour vous procurer les moyens de vivre, ou ceux de satisfaire à quelqu'autre obligation indispensable ; vous pouvez forcer le passage qu'on vous refuse injustement.   Mais si une égale nécessité oblige le Propriétaire à vous refuser l'accès ; il le refuse justement ; & son droit prévaut sur se vôtre.   Ainsi un Vaisseau battu de la tempête a droit d'entrer, même de force, dans un port étranger.   Mais si ce Vaisseau est infecté de la peste, le Maître du port l'éloignera à coups de canon, & ne péchera ni contre la justice, ni même contre la charité, laquelle, en pareil cas, doit sans-doute commencer par soi-même.

§.124       Et de se procurer les choses dont on a besoin.

Le droit de passage dans un pays seroit le plus souvent inutile, si l’on n'avoit celui de se procurer à juste prix les choses dont on a besoin : Et nous avons déjà fait voir (§.120) que l’on peut, dans la nécessité, prendre des vivres, même par force.

§.125       Du droit d'habiter dans un pays étranger.

En parlant des exilés & des bannis, nous avons observé (L. I, §§.229-231) que tout homme a droit d'habiter quelque part sur la terre.   Ce que nous avons démontré à l'égard des particuliers, peut s'appliquer aux Nations entières.   Si un peuple se trouve chassé de sa demeure, il est en droit de chercher une retraite.   La Nation à laquelle il s'adresse, doit donc lui accorder l'habitation, au moins pour un tems, si elle n'a des raisons très-graves de la refuser.   Mais si le pays qu'elle habite est à-peine suffisant pour elle-même, rien ne peut l'obliger à y admettre pour toûjours des étrangers.   Et même, lorsqu'il ne lui convient pas de leur accorder l'habitation perpétuelle, elle peut les renvoyer.   Comme ils ont la ressource de chercher un Etablissement ailleurs, ils ne peuvent s'autoriser du Droit de nécessité, pour demeurer malgré le Maître du pays.   Mais il faut enfin que ces fugitifs trouvent une retraite & si tout le monde les refuse, ils pourront avec justice se fixer dans le prémier pays, où ils trouveront assez de terres, sans en priver les habitans.   Toutefois, en ce cas même, la nécessité ne leur donne que le droit d'habitation, & ils devront se soumettre à toutes les conditions supportables, qui leur seront imposées par le Maître du pays ; comme de lui payer un Tribut, de devenir ses sujets, ou au moins de vivre sous sa Protection & de dépendre de lui à certains égards.   Ce droit, aussi bien que les deux précédens, est un reste de la Communion primitive.

§.126       Des choses d'un usage inépuisable.

Nous avons été quelquefois obligés d'anticiper sur le présent Chapitre, pour suivre l'ordre des matières.   C’est ainsi qu'en parlant de la pleine mer, nous avons remarqué (L. I, §.281) que les choses d'un usage inépuisable n'ont pû tomber dans le Domaine, ou la Propriété de personne ; parce qu'en cet état libre & indépendant où la Nature les a produites, elles peuvent être également utiles à tous les hommes.   Les choses mêmes qui, à d'autres égards, sont assujetties au Domaine ; si elles ont un usage inépuisable, elles demeurent communes, quant à cet usage.   Ainsi un fleuve peut être soumis au Domaine & à l'Empire ; mais dans sa qualité d'eau courrante, il demeure commun ; c'est-à-dire, que le Maître du fleuve ne peut empêcher personne d'y boire & d'y puiser de l'eau.   Ainsi la mer, même dans ses parties occupées, suffit à la navigation de tout le mondes ; celui qui en a le Domaine, ne peut donc y refuser passage à un Vaisseau dont il n'a rien à craindre.   Mais il peut arriver par accident que cet usage inépuisable sera refusé avec justice par le Maître de la chose, & c'est lorsqu'on ne pourroit en profitter, sans l'incommoder, ou lui porter du préjudice.   Par exemple, si vous ne pouvez parvenir à ma rivière pour y puiser de l'eau, sans passer sur mes terres & nuire aux fruits qu'elles portent, je vous exclus, par cette raison, de l'usage inépuisable de l'eau courrante ; vous le perdez par accident.   Ceci nous conduit à parler d'un autre droit, qui a beaucoup de connéxion avec celui-ci, & même qui en dérive ; c'est le droit d’usage innocent.

§.127       Du droit d’usage innocent.

On appelle usage innocent, ou utilité innocente, celle que l’on peut tirer d'une chose, sans causer ni perte, ni incommodité au Propriétaire ; & le Droit d’usage innocent est celui que l’on a à cette utilité, ou à cet usage, que l’on peut tirer des choses appartenantes à autrui, sans lui causer ni perte, ni incommodité.   J'ai dit que ce Droit dérive du Droit aux choses d'un usage inépuisable.   En effet, une chose qui peut être utile à quelqu'un, sans perte ni incommodité pour le Maître, est à cet égard d'un usage inépuisable ; & c’est pour cette raison que la Loi Naturelle y réserve un droit à tous les hommes, malgré l'introduction du Domaine & de la Propriété.   La Nature, qui destine ses présens à l'avantage commun des hommes, ne souffre point qu'on les soustraise à un usage, qu'ils peuvent fournir sans aucun préjudice du Propriétaire & en laissant subsister toute l'utilité & les avantages qu'il peut retirer de ses droits.

§.128       De la nature de ce droit en général.

Ce Droit d'usage innocent n’est point un droit parfait, comme celui de nécessité ; car c'est au Maître de juger si l'usage que l’on veut faire d'une chose qui lui appartient ne lui en causera ni dommage ni incommodité.   Si d'autres prétendent en juger & contraindre le Propriétaire, en cas de refus ; il ne sera plus le maître de son bien.   Souvent l’usage d'une chose paroîtra innocent à celui qui veut en profitter, quoi qu'en effet il ne le soit point : Entreprendre de forcer le Propriétaire, c'est s'exposer à commettre une injustice, ou plûtôt c’est la commettre actuellement, puisque c'est violer le droit qui lui appartient de juger de ce qu'il a à faire.   Dans tous les cas susceptibles de doute, l’on n'a donc qu'un droit imparfait à l'usage innocent des choses qui appartiennent à autrui.

§.129       Et dans les cas non douteux.

Mais lorsque l'innocence de l'usage est évidente & absolument indubitable, le refus est une injure.   Car outre qu'il prive manifestement de son droit celui qui demande l’usage innocent, il témoigne envers lui d'injurieuses dispositions de haine ou de mépris.   Refuser à un Vaisseau marchand le passage dans un Détroit, à des pêcheurs la liberté de sécher leurs filets sur le rivage de la mer, ou celle de puiser de l'eau dans une rivière ; c'est visiblement blesser leur droit à une utilité innocente.   Mais dans tous les cas, si l’on n'en pressé d'aucune nécessité, on peut demander au Maître les raisons de son refus ; & s’il n'en rend aucune, le regarder comme un injuste, ou comme un Ennemi, avec lequel on agira suivant les règles de la prudence.   En général on réglera ses sentimens & sa conduite envers lui, sur le plus ou le moins de poids des raisons dont il s'autorisera.

§.130       De l'exercice de ce droit entre les Nations.

Il reste donc à toutes les Nations un droit général à l’usage innocent des choses qui sont du Domaine de quelqu'une.   Mais dans l'application particulière de ce droit, c’est à la Nation propriétaire de voir, si l'usage que l’on veut faire de ce qui lui appartient, est véritablement innocent ; & elle le refuse, elle doit alléguer ses raisons, ne pouvant priver les autres de leur droit par pur caprice.   Tout cela est de droit ; car il faut bien se souvenir, que l'utilité innocente des choses n’est point comprise dans le Domaine, ou la Propriété exclusive.   Le Domaine donne seulement le droit de juger, dans le cas particulier, si l'utilité est véritablement innocente.   Or celui qui juge doit avoir des raisons ; & il faut qu'il les dise, s'il veut paroître juger, & non-point agir par caprice, ou par mauvaise volonté.   Tout cela, dis-je, est de droit ; nous allons voir, dans le Chapitre suivant, ce que prescrivent à la Nation ses Devoirs envers les autres, dans l’usage qu'elle fait de ses droits.



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