20 novembre 2007
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Les negro spirituals sont peu connus en France. Ils sont souvent confondus avec le gospel, ce qui n'a rien à voir. Bien loin des clichés "Uncle Ben's" et "Happy days", la tradition des negro spirituals est ancienne, riche, admirable. On y découvre une richesse musicale et spirituelle d’une ampleur insoupçonnable.
Qui mieux que Martin Luther King peut nous parler de ces chants d'espoir et de liberté? Ne ratez pas non plus la merveilleuse Marian Anderson qui interprète My Lord, what a morning (Audio en bas).
Une importante partie des réunions populaires était consacrée aux chants de libération. Dans un certain sens, ces hymnes à la liberté sont l'âme du mouvement. Ils représentent autre chose que des incantations, ce ne sont pas seulement des formules intelligentes destinées à animer une campagne; ils sont aussi vieux que l'histoire du Noir en Amérique. Ce sont les adaptations de chansons que chantaient les esclaves: manifestations de chagrin, cris de joie, appels au combat, ou hymnes propres à notre mouvement.
J'ai entendu des gens parler doctement de leur tempo et de leur rythme, mais pour nous, membres du mouvement, c'est leurs paroles qui nous inspirent. Quand je me dis «Woke up this morning with my mind stayed on freedom» - «Me suis réveillé ce matin avec mon esprit habité par la liberté» -, c'est un vers qui n'a pas besoin de musique pour dire ce qu'il veut dire. Nous chantons les chants de libération pour les mêmes raisons que les esclaves les chantaient, parce que nous sommes enchaînés, nous aussi, et que ces chants ajoutent une note d'espoir à notre détermination et à notre conviction selon laquelle «We shall overcome, Black and white together, We shall overcome someday» (<<Nous l'emporterons, Noirs et Blancs ensemble, Nous l'emporterons un jour»). Ces chants nous ont soudés les uns aux autres, ils nous ont donné du courage à tous, ensemble, ils nous ont incités à marcher ensemble. Ainsi, nous avons senti que nous pourrions aller au devant de n'importe quelle Gestapo. Nous nous sommes sentis accompagnés par une présence divine quand nous chantions: «Come by me, Lord, Come by me» (<< Viens près de moi, Seigneur, Viens près de moi»).
Grâce à cette musique, à ce riche héritage de nos ancêtres qui ont eu le culot et la force morale de trouver de la beauté dans ces fragments épars de leur musique - grâce à cet héritage de nos ancêtres dont les esprits illettrés étaient capables de composer ces paroles simples mais éloquentes, pleines de foi, d'espoir et d'idéalisme -, nous sommes en mesure de formuler nos griefs les plus profondément enfouis et nos aspirations les plus passionnées, en terminant toujours sur une note d'espoir, l'espoir que Dieu va nous aider à nous en sortir, ici même dans le Sud où le mal poursuit la vie d'un Noir depuis le jour où on le couche dans son berceau. A travers cette musique, le Noir peut sonder les puits sans fond d'une situation profondément compromise et, en dépit de circonstances lourdes de périls, il peut cultiver un optimisme merveilleux, étincelant et limpide. Il sait qu'il fait toujours sombre dans son monde à lui mais, de toute façon, il s'arrange pour y trouver un rayon de lumière.
Martin Luther King - Autobiographie
Marian Anderson interprète My Lord, what a morning: